Jean-Philippe Carlos
Résumé
Dernière grande figure intellectuelle du traditionalisme canadien-français, François-Albert Angers (1909-2003) fut impliqué dans une saga judiciaire l’opposant au ministère du Revenu national du Canada de 1945 à 1957. Le célèbre économiste des HEC refuse de recevoir les allocations familiales pour ses quatre enfants, sous prétexte qu’elles sont inconstitutionnelles et contreviennent aux principes catholiques de la vie en collectivité. Cet épisode méconnu de l’histoire politique et intellectuelle nous amène à nous questionner sur la transformation du rôle de l’État fédéral au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Dans l’entreprise d’édification de l’État-providence, le gouvernement fédéral outrepasserait ses pouvoirs traditionnels en s’immisçant dans le domaine social, historiquement dévolu aux provinces. Cette perception amène les traditionalistes à mettre en place un ensemble de stratégies de résistance contre le «mouvement d’uniformisation des caractères nationaux» au pays. Dans le cas d’Angers, cette résistance repose sur une stratégie à la fois juridique, politique et médiatique. Qui plus est, ses critiques reposent sur un discours idéologiquement cohérent, ce qui fait de lui l’un des intervenants les plus éloquents dans le débat sur la centralisation fédérale, une réalité renforcée par son statut d’économiste et de professeur d’université. Notre communication fait le point sur la lutte opposant Angers au ministère du Revenu national du Canada, sur ses critiques idéologiques ainsi que sur les méthodes de médiatisation qu’il emploie pour accroître la visibilité de sa cause dans l’espace public.