Marie-Ange Croft
Hubert Lemieux
Résumé
Gouverneur de la Nouvelle-France pendant près de vingt ans, Louis de Buade, comte de Frontenac, a fortement marqué l’imaginaire collectif. Personnage haut en couleur, homme d’influence et courtisan accompli, Frontenac suscita des réactions très contrastées chez ses contemporains. Alors que certains – dont les intendants Talon, Duchesneau, Champigny et le gouverneur de Montréal François-Marie Perrot, pour ne nommer qu’eux – le tiennent responsable des nombreux conflits qui secouent les rouages internes de l’administration de la Nouvelle-France et tentent d’obtenir son renvoi, d’autres, comme les récollets Hennepin (1697) et Lahontan (1702) ou l’écrivain de la Marine Bacqueville de La Potherie (1722), le portent aux nues et voient en lui un redoutable homme de guerre et un fin négociateur. S’il est incontestable que les lettres écrites par Frontenac et son secrétaire Charles de Monseignat, dont plusieurs circulèrent au sein de la bonne société française, ont pu contribuer au succès de la figure du gouverneur, des découvertes récentes dans la presse périodique de l’époque amènent à formuler l’hypothèse d’une propagande beaucoup plus incisive et efficace. Nous proposons d’examiner la manière dont les principaux journaux du dernier 17e siècle (dont le Mercure galant, la Gazette de France et la Gazette d’Amsterdam) célèbrent la figure de Frontenac, premier « héros » canadien fabriqué par la presse émergente.